lundi 20 septembre 2021

 

Le Maroc, nouveau point de passage pour les migrants irréguliers soudanais

La situation chaotique en Libye et les relations tendues avec l'Algérie y sont pour beaucoup




Le Maroc est-il en train de devenir le nouveau point de passage vers l’Europe pour les migrants irréguliers soudanais ? «Oui», à en croire plusieurs acteurs associatifs œuvrant dans le domaine de la migration au Nord du Maroc, qui constatent un afflux vacillant mais constant. « Leur nombre reste inconnu. Les sources non officielles divergent sur leur vrai nombre. Si certaines évoquent 300 personnes, d’autres parlent de 334. Il faut noter également qu’il y a des Tchadiens parmi eux. Mais, il s’agit d’un nouveau phénomène puisqu’à Oujda, nous avons l’habitude d’accueillir des migrants issus de Guinée, du Mali, de Côte d’Ivoire ou du Cameroun. Il s’agit, en grande majorité, de jeunes hommes qui vivent dans une situation précaire. Ils vivent dans la rue et dans les terrains et maisons abandonnés faute d’infrastructures garantissant logement et services de santé», nous a indiqué Jamila Barkaoui, chercheuse auprès du laboratoire des recherches et études en droits de l’Homme (Faculté de droit d’Oujda). Et de poursuivre : « La ville d’Oujda n’est qu’une étape pour eux avant d’atteindre Nador considérée comme le passage clé vers Mellilia. Les tentatives de passage réussies effectuées dernièrement par certains migrants soudanais ont encouragé d’autres à rejoindre Nador. En effet, 200 personnes y ont réussi avant Aid El Kebir et 250 après. Et dernièrement, 50 personnes ont réussi à franchir les barrières avec Mellilia ». Comment explique-t-on cette présence soudanaise au Maroc ? « Une grande partie de ces migrants arrivent en provenance de la Libye en passant par l’Algérie. Beaucoup d’entre eux ont été emprisonnés dans les prisons libyennes. Leur arrivée peut être expliquée également par le laxisme des autorités algériennes qui ferment les yeux sur leur passage vers le Maroc dans un contexte diplomatique marqué par des tensions entre les deux pays», nous a indiqué Jamila Barkaoui. De son côté, Omar Naji, militant des droits de l’Homme, a considéré ce phénomène comme nouveau. « Ses débuts remontent à six mois à Nador où nous avons assisté à un passage de cas individuels et isolés à un afflux important des migrants soudanais », nous a-t-il précisé. Et de poursuivre : « Beaucoup d’entre eux se présentent comme des réfugiés qui cherchent une protection nationale notamment ceux issus du Darfour et Kordofandu Sud ». En effet, et malgré l'accord signé en 2018 entre le président Kiir et son ancien rival Riek Machar et la formation d'un gouvernement de coalition, la paix reste fragile dans ce pays de 12 millions d'habitants et beaucoup de zones restent confrontées à des violences de tous types, à l’hyperinflation et à la faim qui minent le pays. En cinq ans, la guerre civile a fait plus de 380.000 morts et 4 millions de déplacés, et a ruiné l'économie. « Une grande partie de ces migrants irréguliers soudanais ont tenté d’abord, leur chance en Libye et ont ensuite décidé de changer le cap vers le Maroc après l’échec de leurs tentatives», nous a expliqué notre interlocuteur. Et de préciser : « Contrairement à leur vie à Oujda, ces Soudanais ne vivent pas dans la précarité. Ils louent des maisons à Nador ville ou à Beni Ansar et semblent bien intégrés au sein de la population puisqu’ils parlent arabe. Mieux, cette population est épargnée par les forces de l’ordre puisqu’elle ne subit pas des arrestations ou des poursuites ». Omar Naji nous a affirmé, dans une édition précédente, que ces Soudanais et autres migrants irréguliers ciblent aujourd’hui Sebta et Mellilia parce que ces deux cités sont devenues plus accessibles via les barrières. Les candidats à la migration n’ont plus besoin des passeurs et de débourser 3.000 euros ou plus pour rejoindre l’Espagne. Ces candidats profitent aussi des relations tendues entre le Maroc et l’Espagne pour éviter le refoulement à chaud puisque le Maroc n’accepte plus l’accueil des migrants refoulés et a coupé tout contact avec l’Espagne. Notre source a précisé que les Soudanais et les Tchadiens n’arrivent pas à bénéficier de la protection internationale au Maroc puisque le HCR ne dispose pas de siège à Oujda et redoutent un voyage long et risqué vers Rabat pour déposer une demande d’asile. « Et c’est pourquoi ils préfèrent rester au Nord pour demander l’asile auprès des autorités espagnoles à Sebta ou Mellilia », a-t-elle conclu. 



Hassan Bentaleb

 

Qu’est-ce, au fait, un migrant climatique ? La définition pose problème à la base

Ils seront 216 millions à l’horizon de 2050, alerte la Banque mondiale


Qu’est-ce, au fait, un migrant climatique ? La définition pose problème à la base


Les migrations climatiques internes devraient s’accélérer jusqu’en 2050 dans plusieurs parties du globe, prévoit le dernier rapport Groundswell de la Banque mondiale (BM), publié récemment. Selon ce document, ces migrations toucheront durement les plus pauvres et les plus vulnérables d’entre elles et mettront en péril les avancées sur le plan du développement. Le Maroc ainsi que d’autres pays du Nord d’Afrique sont également concernés. Les estimations les plus pessimistes prévoient plus de 10 millions de migrants internes dans cette région.


L’eau, principal moteur des migrations climatiques internes

Destiné à aider à comprendre l’ampleur, la trajectoire et l’évolution spatiale des migrations climatiques futures, le nouveau rapport Groundswell prévoit 216 millions de migrants climatiques d’ici 2050. L’Afrique subsaharienne pourrait enregistrer pas moins de 85,7 millions de migrants climatiques internes (4,2% de la population totale); l’Asie de l’Est et Pacifique, 48,4 millions (2,5% de la population totale); l’Asie du Sud, 40,5 millions(1,8% de la population totale); l’Afrique du Nord, 19,3 millions(9% de la population totale); l’Amérique latine, 17,1 millions (2,6% de la population totale); et l’Europe de l’Est et Asie centrale, 5,1 millions (2,3% de la population totale). L’Afrique du Nord devrait afficher la proportion la plus importante de migrants climatiques internes par rapport à la population totale, indique le rapport. «Cela est dû dans une mesure importante à la rareté extrême de l’eau de même qu’aux effets de l’élévation du niveau de la mer sur des zones côtières densément peuplées et dans le Delta du Nil. Les régions comptent des pays particulièrement vulnérables qui font gonfler les chiffres globaux», précise-t-il.

En détail, la BM explique que les résultats de la modélisation font apparaître des perturbations dans la disponibilité de l’eau comme le principal moteur des migrations climatiques internes dans cette région. «Elles chassent les populations des régions côtières et intérieures dans lesquelles l’eau se raréfie, ralentissant la croissance démographique dans les foyers d’émigration climatique le long de la côte nord-est de la Tunisie, la côte nord-ouest de l’Algérie, l’ouest et le sud du Maroc ainsi que les contreforts de l’Atlas central qui subissent déjà le stress hydrique », note-t-il.

Et d’ajouter : « En Egypte, les parties est et ouest du Delta du Nil, Alexandrie comprise, pourraient devenir des foyers d’émigration en raison à la fois de l’indisponibilité croissante de l’eau et de l’élévation du niveau de la mer. Cependant, plusieurs autres lieux où l’eau est plus disponible devraient devenir des foyers d’immigration climatique, notamment des centres urbains importants comme Le Caire, Alger, Tunis, Tripoli, le corridor Casablanca Rabat, et Tanger ».

Emergence et intensification des «points chauds»
Par ailleurs, le rapport prédit que des «points chauds» de migration climatique apparaîtront dès la prochaine décennie et s’intensifieront d’ici 2050. Par «point chaude», le rapport évoque les endroits qui ne peuvent plus assurer de moyens d’existence pour la population locale à cause des problèmes liés au climat tels que la pénurie d’eau, la baisse de la productivité des cultures et l’élévation du niveau de la mer.« Même les endroits qui pourraient devenir des points chauds d’émigration climatique en raison d’impacts accrus supporteront probablement encore un grand nombre de personnes.

Pendant ce temps, les zones d’accueil sont souvent mal préparées pour accueillir des migrants climatiques internes supplémentaires et leur fournir des services de base ou utiliser leurs compétences », explique le document. Ces migrations climatiques internes seront les plus importantes dans les régions les plus pauvres et les plus vulnérables aux aléas du climat, ce qui indique que l’incapacité fondamentale des systèmes sociaux, économiques et de subsistance à résister au changement climatique pourrait mettre à mal les gains en matière de développement. Le nouveau rapport Groundswell observe, en outre, que plusieurs foyers d’émigration sont des centres économiques et de croissance démographique qui continueront d’abriter un grand nombre de personnes malgré les effets croissants du changement climatique.

Il s’agit par exemple du Delta du Mékong (Viêt Nam), où ceux qui restent seront exposés à des risques sociaux, économiques et environnementaux importants, notamment à des inondations graves. De nombreux foyers d’immigration font aussi face aux risques grandissants que posent les effets tant rapides qu’à évolution lente du changement climatique, même lorsque la disponibilité de l’eau et la productivité agricole deviennent plus favorables.

«Au Maroc par exemple, la Péninsule tingitane et la côte orientale devraient attirer de plus en plus de migrants en raison de la meilleure disponibilité de l’eau, mais elles sont exposées au risque d’élévation du niveau de la mer et des ondes de tempête.

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